« Obsession de l’inclusion » : à Toul Ar C’Hoat aussi

Difficile d’échapper à la récente polémique provoquée par un candidat à la présidentielle, qui expliquait au sujet des enfants en situation de handicaps « qu’il faut des établissements spécialisés qui s’en occupent. Sauf les gens qui sont légèrement handicapés évidemment, qui peuvent entrer dans la classe. Mais pour le reste, l’obsession de l’inclusion est une mauvaise manière faite aux autres enfants, et à ces enfants-là qui sont, les pauvres, complètement dépassés par les autres. »

Difficile d’y échapper, et difficile de ne pas être touché, quand on travaille et qu’on vibre au quotidien pour un établissement d’accueil justement, pour des enfants en situation de handicap. Toul Ar C’Hoat est le seul ITEP* en France spécialisé dans les épilepsies, maladie neurologique qui touche environ 700 000 français. Chaque année, nous recevons à Châteaulin, en Bretagne, des enfants et des ados de tout le pays, touchés par les épilepsies et par des pathologies associées. Nous leur assurons un suivi médical, une scolarité adaptée (ou ordinaire, pour beaucoup d’entre eux, dans des établissements partenaires) et la possibilité de se faire des copains qui vivent les mêmes difficultés. « Entre nous, on ne se juge pas, on se comprend. », disent-ils.

Alors oui, pour ces enfants-là, Toul Ar C’Hoat est un refuge, un endroit où s’épanouir quand la vie « ordinaire » est trop difficile, les crises trop fréquentes, les autres élèves pas toujours compréhensifs… Oui, pour leurs parents, ce choix-là est souvent douloureux, il a fallu admettre que le parcours classique, même avec une AESH, n’était pas suffisant, que les besoins de leur enfant sont si spécifiques qu’il est nécessaire, à un moment de leur parcours, d’avoir recours à un lieu comme le nôtre. Et oui, en tant que lieu de vie spécialisé, on ne peut que se féliciter de l’apport dont bénéficient les jeunes et leurs familles.

En tant qu’établissement spécialisé, on pourrait faire du clientélisme et profiter de l’occasion pour dire qu’évidemment, les enfants en situation de handicap sont mieux chez nous plutôt que dans la vraie vie… Mais ce n’est pas notre objectif. Ce n’est pas notre mission. Et nous répugnons à l’idée d’entretenir un « ghetto pour épileptiques ». La fameuse « obsession de l’inclusion », nous l’avons aussi. Notre institution est une étape pour les aider à aller mieux, et leur permettre de réintégrer le système ordinaire plus forts et plus confiants. Cette intégration, cette inclusion, est parfois difficile. Ça demande une organisation particulière, des moyens, un effort aux accompagnants, aux profs, aux autres élèves, et en premier lieu à nos jeunes pensionnaires. Certaines formes, rares, de crises d’épilepsie sont parfois très impressionnantes, peuvent faire peur, les effets secondaires des traitements modifient parfois le comportement… Alors non, l’inclusion ne se fait pas par magie, et la société tout entière doit s’adapter. Mais dormons sur nos deux oreilles, l’effort collectif ne sera jamais aussi difficile pour nous, les valides, que celui fourni par les enfants porteurs de handicap pour s’adapter, s’inclure, se faire discrets et parfois même, tenter de se rendre invisibles.

Bien sûr, nous avons une véritable utilité en tant qu’établissement spécialisé, et nous pouvons être fiers de ce que nous apportons chaque année aux jeunes atteints d’épilepsies. Oui, une vraie réponse est donnée quand la situation d’un enfant ne trouve pas de solution dans la scolarité ordinaire : mais toujours en tant qu’étape sur le chemin de l’inclusion, toujours pour aider au mieux-vivre tous et toutes ensemble, toujours dans l’optique de permettre aux enfants, à terme, une vie la plus ordinaire possible.

Et nous aurons échoué si, collectivement, nous cessons d’être obsédés par l’inclusion.

 

*Institut Thérapeutique, Educatif et Pédagogique